Le Louis XV Alain Ducasse, Monaco, avec Dominique Lory.

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Comment définir la cuisine du Louis XV Alain Ducasse à monaco, exécutée avec brio par Dominique Lory, renouvelant avec verve et transcendant (on peut employer le terme sans forfanterie aucune) le terroir méditerranéen? A coup sûr une cuisine de précision faisant la part belle aux émotions. On a l’image d’un acupuncteur où, à la place des aiguilles, chaque bouchée touche le point juste du Goût. On comprend que chaque assiette tape dans le mille car chaque nouveau plat est gouté dix à quinze fois en cuisine, mais également par le responsable de salle et le sommelier, eux qui sont directement au contact du convive et qui remontent les sensations et autres réflexions du restaurant.  » On est vraiment à l’écoute du client, c’est très important », confie Dominique Lory, « on s’adapte, le menu est fixe mais on peut changer des plats, proposer des alternatives« . La carte change tous les deux mois, en fonction des produits et est soumise à l’aval d’Alain Ducasse qui teste, dès que possible, les plats.

O temps suspend ton vol.

C’est le moment de l’amuse-bouche. Composé de cinq bouchées de cinq poissons différents légèrement marinés, bonite et olive, maquereau et zestes de citron, galinette et tomate, mulet et basilic, seiches et câpres, posés sur deux galets eux-mêmes posés sur des galets chauffés au four à 250 degrés, arrivant sur table sous une cloche de verre, l’amuse-bouche donne déjà le la d’une symphonie voltigeuse et admirablement maîtrisée qui durera tout le repas. Le serveur, Giovanni Pitton, qui s’occupera avec célérité du service, soulève la cloche et verse un bouillon légèrement citronné qui s’écoule sur les galets, puis referme immédiatement  pour laisser la vapeur envahir la cloche. En guests les gamberoni de San Remo, fine gelée de poisson, parsemés de grain de caviar, éblouissants de fraîcheur, créés pour les 25 ans du Louis XV et devenus un plat signature du lieu. C’est dans ces moments-là qu’une cuisine devient émouvante, quand le luxe et l’apparat s’oublient pour raconter une culture, donner une vision précise. On comprend le  plébiscite.

 

A l’essentiel.

A venir coquillages et brocolettis (brocolis sauvages) rafraîchis, condiment iodé, jus de coquillages. Les brocolettis, comme cueillis direct, envoient leurs notes terriennes, les coquillages, soulignés par un jus, font chavirer les papilles, denses et iodés. Le remarquable des assiettes, c’est qu’elles semblent  aller à l’essentiel, sans artifices inutiles, comme si le produit se suffisait à lui-même. Or c’est cela le miracle, le choc ne tient pas tant au visuel qu’à la puissance maximale de l’expression, comme le ravioli aux champignons sylvestres, courge rouge du Piémont, avocat, poussant le mangeur à la concentration, fermant les yeux juste pour être en tête à tête, oui comme à un rendez-vous, avec l’exquis ravioli, entre plaisir foudroyant et arômes libérateurs. Les superlatifs se révèlent ici monnaie courante.

Symphonie en gant blanc.

Orchestré par Michel Lang, le directeur du restaurant, le service, attentionné mais jamais pesant, attentif et discret à la fois, joue la fluidité, comme un ballet bien réglé. Pour verser les sauces et autres jus, le gant blanc fait preuve de raffinement, comme un geste d’élégance pour l’hôte. On verse au bon moment et au bon endroit, c’est un geste réfléchi. Comme avec le loup de Méditerranée, où le jus d’agrumes est versé entre le poisson et la garniture. Le poisson, grillé puis confit dans une huile de pépins de raisins, génialement fondant, en mode vivifiant, dialogue à merveille avec radicchio (de la famille des chicorées) et puntarelle (chicorée de Catalogne), soutenus ardemment par un intense jus d’agrumes, plaçant directement sur orbite très gourmande le plat, le convive en passager réjoui. Dominique Lory et sa brigade continuent de jouer leur partition percutante et lumineuse, mettant derechef le ris de veau et asperges au sautoir, capucines/cédrat, quelques grattons de ris de veau et câpres, sur la première marche du podium. Le ris, croustifondant et moelleux à souhait, généreux et bien bombé, se pose en modèle du genre. La déclinaison d’asperges vertes et blanches distille ses effluves végétales, comme une ode à la nature prodigue. Un jus de viande booste le tout, mettant sans discussion le ris de veau dand le droit chemin d’un plat évolutif, empreint de modernité.

Shoots déflagrateurs.

Sandro Micheli, le chef pâtissier, prend le relais et envoie un dessert de haute volée, prometteur d’instants de bonheur, une poire passe-crassane fondante, en pickles, sorbet gingembre/poire aux effluves poivrées en éclaireur débordant d’énergie. Le fruit, juteux et sucré, se livre sans résistance, dans un langoureux abandon. En second un trésor sucré intitulé pommes et coings de Lagrand, cardamome et sorbet Calvados, Sandro Micheli travaille comme un parfumeur, révélant la pomme dans son essentialité et mettant le fruit dans tous ses états,  comme autant de fragrances subtiles. En clôture, genre feu d’artifice, amandes caramélisées en air de fêtes, complètement craquantes, et une farandole de fruits confits, véritables petites tueries en autant de shoots déflagrateurs. Dominique Lory a mené à bien sa mission, laisser au convive, le palais étourdi, la tête dans les étoiles, la prégnance d’un moment unique.

On ne peut pas ne pas citer le chef sommelier Noël Bajor, au Louis XV depuis 1996, maître du splendide Cercle du Vin, une cave où règnent mille flacons en transparence. C’est la partie émergée de la cave de l’Hôtel de Paris, une des plus grandes du monde, creusée à treize mètres sous le rocher, possédant 550 000 bouteilles e totalisant 1 km de casiers!

Le louis XV Alain Ducasse.                                                                                            Place du Casino.   98000 Principauté de Monaco.                                                        Tel. + 377 98 06 8864                                                                                                    www.alain-ducasse.com     

Texte et photos Luc Sellier / Gastronomica sauf photo du restaurant crédit Pierre Monetta                                

 

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