Restaurant l’ardoise, Angers. Oeuf parfait / butternut / haddock / noisette et cive.
Deux ans et des poussières maintenant que le duo complice et parfaitement complémentaire de l’Ardoise, Brice Sanchez et Thibault Savornin, régale les angevins et les autres d’une cuisine canaillement sophistiquée. Par exemple avec la terrine maison, une terrine d’anthologie, genre première place du podium, chevreuil / sanglier / foie de volaille/ foie gras de canard / gorge de porc / pistache, il y a de la matière, des arômes, jouant de textures entre gras et maigre, allez coupez-nous une autre tranche. Des cornichons maison, pas loin d’être hors-concours eux aussi, délivrent leurs notes toniques. Brice Sanchez travaille la terrine depuis deux ans et la fait évoluer sans cesse. Jusqu’où ira cette diabolique terrine?
C’est royal.
C’est le fumé du haddock qui nous prend les narines en otage, annonçant l’oeuf parfait / butternut / haddock / noisette et cive. L’oeuf s’écoule langoureusement, se mélant à l’iode du haddock et à la douceur presque sucrée du butternut. Un chenin de la maison Vaillant fait le lien liquide, tout en minéralité. Place au seigneur du repas, le lièvre à la royale. En couleurs d’automne, champignons, purée de butternut, salsifis et coings rôtis jouent les serviteurs dévoués. Aujourd’hui peu de restaurants propose ce plat plutôt technique. Mais quand on a travaillé au Louis XV, le trois étoiles d’Alain Ducasse à Monaco, même pas peur. Que l’on comprenne bien, le lièvre est complètement désossé tout en gardant les râbles collés ainsi que les cuisses. La farce que l’on met à l’intérieur est à base du lièvre désossé. Tous les os servent à faire un jus. La cuisson dure 16 heures dans le jus du lièvre, en rouleaux bien filmés pour que la matière reste dense. Après la cuisson on refroidit le jus. La photo c’est avant que la sauce soit versée, histoire d’esthétique. Vous avez compris, ça ne rigole pas mais le lièvre peut se pavaner, il incarne la possibilité d’un équilibre entre le bistro et le gastro. Le classicisme du plat laisse entrevoir la marge de manoeuvre et de décalage du chef. Un lat lisible, technique, gourmand et argumenté. Le vin, l’Ancrie du domaine des Grandes Vignes de la famille Vaillant, se montre à la hauteur.
Sans faim.
Heureusement le dessert intitulé « l’Ardoise » se déguste sans faim. Nougat glacé en habit de séduction, pistache, noisette, griottine et un mélange miel / noisette / pistache. La cuillère voyage dans la suavité et le moelleux. Brice Sanchez et Thibault Savornin ont encore réussi leur coup, sortant, l’air de rien et sans cérémonie, des plats porteurs de sens, balèzes de droiture technique.
Brice Sanchez et Thibault Savornin.
Restaurant l’Ardoise. 7, rue de la Tannerie. 49100 Angers. Tel. 02 41 88 18 32.
Texte et photos Luc Sellier / Gastronomica