Dans la catégorie belle maison genre luxe pas ostentatoire mais très confortable, boiseries, banquettes et lumières un peu tamisées, Le Taillevent se situe dans le haut du panier. Le service au taquet, classieux mais pas guindé, attentionné sans être intrusif, met tout de suite le convive à l’aise, paré pour déguster la délectable cuisine de David Bizet. Ajoutez les compétences de David Pétrus, directeur général de Taillevent Paris, MOF sommelier 2011, MOF maître d’hôtel 2018 ( un doublé très rare ), expert en divins flacons et la messe est dite.
David Bizet chahute d’emblée les papilles avec la fine lisette à la flamme et caviar, cébettes au cresson de fontaine. Le poisson se révèle parfaitement cuit, juste à la flamme, limite rosé, délicatement fondant, le caviar, grand prince, iodé version chicissime, les cébettes croquantes, et en complice pas triste un blanc minéral de Collioure achèvent avec maestria le travail de sape. Au fur et à mesure de la dégustation du plat, l’iode, très subtilement, monte en puissance, puis presque frontalement, bluffant le convive ravi d’un tel effet.
Le chef enfonce le clou et met les abats au pinacle par le truchement d’un formidable ris de veau laqué, croustillant dessus, fondant dedans, comme un bonbon, une géniale gourmandise salée, escorté de réglisse et d’un artichaut à l’oseille. Parlons de l’artichaut, transfiguré, transcendé, se mêlant intimement au ris de veau, frémissant de notes terriennes et charnues. Coté flacon, le magistral Saint-Joseph 2011 d’Yves Cuilleron, avec son coté fumé, fricote avec le meilleur et prend partie sans hésitation pour la diabolique assiette.
Le dessert, concocté par François Josse, le pâtissier, ne déroge pas à la règle du très bon. Le baba, crème citronnelle, crémeux yuzu et estragon, imbibé aux agrumes, citron caviar et sorbet aux herbes, éclabousse le palais en agrumesques assauts, en vagues toniques. Pas édulcoré le baba mais éblouissant de fraîcheur et forcément élégant, alors employons les superlatifs comme sublime! Cerise sur le gâteau, un Riesling 2016 de Fritz Haag entrouvre les portes du paradis…
Arrivé en août 2018 au Taillevent, après avoir obtenu l’étoile huit mois après l’ouverture de l’Orangerie en 2016 au Georges V à Paris, c’est un retour aux sources pour David Bizet qui a eu sa première place de commis chez Taillevent avec le chef Philippe Legendre, qui récoltera ensuite trois étoiles au Georges V. David Bizet passera dix-neuf ans dans ce palace. Pour le chef, le Taillevent, c’est d’abord le choix d’une grande maison au patrimoine gastronomique chargé d’histoire, un lieu qui autrefois porta haut les trois étoiles. Ce que veut le chef » c’est provoquer du plaisir dans l’assiette car on voit la vie autrement quand on passe un bon moment« , il se définit lui-même comme « un marchand de bonheur« . Après ces agapes, impossible de dire le contraire…
Le Taillevent. 15, rue Lamennais. 75008 Paris. Tel. 01 44 95 15 01
Texte et photos, Luc Sellier / Gastronomica