Aux portes de Nantes, à quelques pas de l’Erdre, le Manoir de la Régate, dans un décor champêtre, en belle demeure bourgeoise, pousserait facilement le convive à dénouer la cravate. Depuis plus de 24 ans Loïc Pérou tient ferme les rênes de la maison. Aujourd’hui c’est Mathieu, le fils, 26 printemps au compteur, qui est aux fourneaux. Après des années passées à apprendre et à travailler dans de belles tables, les frères Ibarboure (2**) au Pays Basque, Thierry Drapeau (2**) en Vendée, deux ans en Australie chez des chefs stars dans leur pays, Tetsuya Wakuda puis Peter Gilmore, c’est le retour au bercail, l’esprit et les sens stimulés. Cela ne l’empêche pas d’aller en stage il y a quelques mois chez Benu, un chef coréen à San Francisco, auréolé de trois macarons.
Avis de grand large en sensations marines avec des mises en bouche autour de l’iode, dans un inventaire gourmand, crème de la ferme de la Pannetière, coquillages (coques, moules), cotriade, algue Nori, algue Kombu confite, chips d’algue, rillettes de maquereau aux algues, sashimi de maquereau, fleurs de bourrache du jardin, feuille d’huître, le tout iodé/ fumé/ limpide, le maquereau, formidable d’intensité, donne fissa le ton pour la suite. On avertira néanmoins le convive du danger du beurre truffe/ ricotta/ parmesan, hautement addictif.
Une certaine forme de sérénité. Les influences asiatiques sont sur la table avec un thon mariné fondant, limite voluptueux, avec un mélange furikaki ( épices, sésame blanc, algue kombu ). Lovés dans l’assiette, confiture d’algue kombu, gel de gingembre sur des petits rouleaux de pomme Granny et radis daïkon, caillé de fromage de chèvre coloré au poivre de Tasmanie, vinaigrette au miso, s’associent d’évidence au poisson, produisant une assiette d’une grande fraîcheur et d’une grande douceur, dans une certaine forme de sérénité.
Le bonheur est dans le canard. Mathieu Pérou sait s’y prendre avec la volaille. C’est de la maison Burgaud, la maison des volatiles bien élevés, que vient le canard. Pure merveille de tendreté rosée, le divin volatile se pare de saveurs avec une caressante compotée de betterave et vinaigre d’hibiscus, la betterave aussi en mode craquant bien terrien. Un crumble concocté avec la peau du canard, du jus de betterave, des pétales d’hibiscus juste enrobées dans le sucre et fleur de sel, croustille en toute liberté.
En dément dessert, cacahuète et lait ribot de la ferme de la Pannetière, une coque à base de chocolat blanc, mousse au cacahuète, celui-ci traité façon chouchou, gel et sorbet lait ribot, éclats de meringue et craquants au lait. Le parfait dessert pour les adeptes du cacahuète ( et les autres ), régressif, aux odeurs de fête foraine, jubilatoire, le lait ribot envoyant en contrepoint des notes acidulées teintées d’acidité. A son rythme et à l’instinct, Mathieu Pérou continue d’écrire l’histoire du Manoir de la Régate, en classieux repaire d’une cuisine ouverte au dialogue et à la liberté d’action.
Infos pratiques/ Menu Régate le midi, 24 euros (entrée/plat/dessert), servi uniquement le midi du lundi au vendredi et hors jours fériés. Menu Régate le soir, 26 euros, servi du lundi au jeudi et hors jours fériés. Menu Balade en 3 services, 42 euros / en 5 services, 50 euros. Menu Dégustation, 68 euros.
Le Manoir de la Régate. 155 route de Gachet. 44300 Nantes. Tel. 02 40 18 02 97. www.manoirdelaregate.com
Texte et photos, Luc Sellier / Gastronomica