La toque bien campée sur le crâne, Guillaume Le Bozec, seul en cuisine, n’est pas là pour enfiler des perles, mais plutôt pour faire défiler des assiettes immédiatement persuasives, dans une cuisine de tempérament qui sait vous prendre par les sentiments. Dans une décoration aux tendances cosy, Delphine Dugor gère efficacement la salle, dans un service aux petits oignons. Au plafond et sur les murs, les peintures de Guillaume Le Bozec himself, démontre que l’homme a plus d’une corde à son arc.
Les papilles disent merci. On rentre dans le vif du sujet avec des asperges vertes saupoudrées de bonite séchée ( katsuobushi ), sabayon au yuzu, billes de riz soufflé japonais, dans une ligne de saveurs flottantes, entre le parfait croquant des asperges et l’onctuosité parfumée du sabayon. Place à de démentes et crunchy langoustines en tempura de sarrasin, cuites à coeur, à déguster illico avec les doigts ( c’est juste un conseil ), à imprégner de toute urgence de trois effrontées et superbes mayonnaises, encre de seiche, curry et aux herbes. En bouche, c’est la vivacité assumée, les papilles disent merci.
Dans les rues du Vieux Nice... Dans sa très technique dextérité qui ne prend jamais la pose savante, Guillaume Le Bozec envoie une tartelette quenelle de volaille et morilles avec son jus de viande, émusion morilles. Les arômes de sous-bois des champignons affirment avec panache leur terrienne identité, la quenelle de volaille se fait enveloppante, l’émulsion de morilles met tout le monde d’accord, éblouissante et furieusement bonne. C’est au tour d’un fondant agneau confit ( photo haut de l’article ) de continuer de mettre les petits plats dans les grands, cuisson irréprochable, avec une socca ( galette à base de farine de pois chiches ) malicieuse, qui nous projette de suite dans les rues du Vieux Nice, une énergique confiture de piment, une nappante purée carotte gingembre et un exquis artichaut en barigoule.
A la bonne école. Pour le sucré, le citron est à l’honneur, coussin de citron ( comme une crème ), intérieur citron, sorbet coriandre citron, fleur d’agastache, un dessert en notes optimistes et acidulées. Guillaume Le Bozec a été à bonne école, ancien de chez Michel Troisgros et de chez Laurent Saudeau à Nantes, il n’érige pas la technique en doctrine et participe d’une cuisine aux accents créatifs où l’emporte l’émotion gustative. Installé depuis juin 2022 dans cette petite rue proche du centre-ville de Vannes, Agora a déjà ses aficionados, on comprend pourquoi…
Agora. 19 rue de la Boucherie. 56000 Vannes. Tel 02 97 61 50 90.
Texte et photos Luc Sellier / Gastronomica