Au restaurant Louise, à Lorient, Julien Corderoch a résolument tourné sa cuisine vers l’océan. « Ici on ne travaille pas de viande« , annonce le chef. Quoi de plus naturel dans cette ville ouverte sur la mer, dont les quais racontent la conquête des Indes mais aussi la grande pêche. Chez Louise, le poisson est de ligne ou provient de la pêche de petits bateaux. Les mises en bouche donnent le ton, l’iode est au garde-à-vous, comme avec l’huître d’Etel (fleuve côtier du Morbihan), dashi, crème aux herbes et fleur de bourrache. Sur son rocher, un mulet du large, brûlé à la flamme, mariné au café, tartelette avec yaourt d’épinard, pamplemousse et yuzu, petites coques et chapelure de brioche aux algues, amorce le repas, promettant de ne pas manger atone. Pour parfaire le trio, royale d’araignée et noisettes torréfiées, en exquise esquisse forcément gourmande, et, dans le fond du bol, condiment cébette, purée de piment, gel de saké et huile de ciboulette, mettent les papilles dans les starting-blocks.
Par les sentiments. En entrée, Julien Corderoch envoie un imparable carpaccio de pagre de ligne comme un gravlax, escorté d’une bluffante glace à l’ail des ours, la belle trouvaille, radis raikon et vinaigre fleur de sureau, le tout en avis de grande fraîcheur. Ensuite le chef nous prend par les sentiments avec une fabuleuse langoustine snackée, tendre et charnue, des asperges de le pointe de la Torche (Finistère) grillées au barbecue, assumant avec vigueur et fierté leurs terriennes origines, un jaune d’oeuf confit à l’ail, qui pourrait à lui seul nous rendre accro, porte l’estocade d’une assiette en émotions constantes.
Sans résistance. Le restaurant, salle déco cosy et cuisine ouverte, permet l’interaction, Julien Corderoch venant expliquer aux convives ses assiettes, faisant oeuvre de pédagogie. Sur la table, un Saint-Pierre, sacrément bien cuit, préservant toute son intégrité, se mêle à de fondants berlingots chèvre frais et coquillages, une tonique sauce verde et à des brocolis en deux versions, l’une croquante, l’autre crémeuse. En sucré, on se laisse pervertir sans résistance par un cajoleur riz au lait vanille d’Equateur, une suave crème glacée au Baileys (on est fan), et confiture au lait. Sans contrastes exacerbés, la cuisine de Julien Corderoch chante les louanges de l’océan nourricier, dans une vision aussi limpide que percussive.
Infos pratiques. Menus. Tous les menus sont à l’aveugle. Midi, menu du marché, 29 euros. Bilgroix, 5 ancrages, 55 euros. Tadorne, 8 ancrages, 85 euros.
Louise. 4 rue Léon Le Bourgo. 56100 Lorient. Tel. 02 97 84 72 12. www.restaurantlouise.fr
Texte et photos Luc Sellier/Gastronomica